Évaluation du risque cardiaque en chirurgie non cardiaque

M. Pinaud
Service d'anesthésie et réanimation chirurgicale, Hôtel-Dieu, 44093 Nantes cedex 1, France

Résumé d'après intervention

· L'évaluation préopératoire du risque est le préalable indispensable à toute intervention dans le cadre de l'information due au malade et au développement des meilleures stratégies de prévention et de limitation de ce risque.

. Il est fondamental (mais difficile) de sélectionner la(les) population(s) à plus haut risque, qui peut(vent) bénéficier d'examens complémentaires ciblés, pour ne pas multiplier des examens inutiles, non pertinents, redondants ou contradictoires, mais toujours coûteux et parfois dangereux. Par ailleurs, ces examens ne simulent pas l'ensemble des contraintes multiples appliquées au système cardiocirculatoire dans les périodes per et postopératoires, pas plus qu'ils ne prennent en compte la contribution relative de l'une ou l'autre d'entre elles dans la genèse de la complication, pour un patient donné. ·

- La population à haut risque comprend : cardiopathie ischémique documentée, chirurgie vasculaire, deux facteurs de risque d'atteinte coronarienne : âge > 70 ans, diabète, hypertension, hypercholestérolémie, tabac·

 - L'intérêt de l'ECG d'effort est controversé, mais la combinaison d'une mauvaise capacité à l'exercice et de modifications ECG est « préoccupante ».

- L'échocardiographie préopératoire permet d'évaluer indirectement la circulation coronaire par l'analyse de la fonction ventriculaire gauche régionale et de diagnostiquer une hypertrophie ventriculaire gauche ou une augmentation du diamètre de la cavité ventriculaire pouvant accentuer le risque d'ischémie myocardique. Une dysfonction ventriculaire gauche au repos est prédictive d'un œdème pulmonaire périopératoire .L'échocardiographie de stress est intéressante lorsque l'épreuve d'effort est impossible.

· La scintigraphie préopératoire au thallium-dipyridamole permet de tester la redistribution, mais le rôle conjugué d'une accélération de la fréquence cardiaque, d'une baisse de la pression artérielle ou d'anomalies rhéologiques n'est pas pris en compte Cet examen  n'est pas indispensable dans l'évaluation préopératoire systématique de la circulation coronaire. Elle est envisageable en cas de risque intermédiaire non estimable par la clinique seule.

· La coronarographie préopératoire doit être ciblée sur les malades atteints d'un anévrysme aortique. La meilleure survie à long terme des coronariens qui ont bénéficié d'un pontage coronaire est un argument en faveur d'une prise en charge agressive.

· L'évaluation non invasive de la fonction ventriculaire gauche est nécessaire chez tout malade ayant une insuffisance cardiaque congestive patente ou mal contrôlée.

· La sténose aortique serrée est la seule valvulopathie identifiée comme facteur de risque. Les autres valvulopathies méritent d'être prises en compte à partir du moment où la réserve cardiaque est limitée.

· La nature de l'intervention identifie le malade susceptible de souffrir d'une pathologie cardiaque. Le risque est variable selon le siège et la durée de l'intervention et sa réalisation ou non en urgence. Les actes chirurgicaux qui n'imposent pas de contraintes majeures à l'appareil cardiocirculatoire (chirurgie ophtalmologique par exemple) ne nécessitent pas d'examens complémentaires. Le risque de complications cardiaques postopératoires est faible en l'absence des neuf facteurs de risque définis par Goldman et d'un syndrome ischémique (angor résiduel pour une faible activité physique, angor instable, infarctus du myocarde). Certains facteurs de risque (turgescence jugulaire, bruit de galop, infarctus du myocarde récent, rythme autre que sinusal, extrasystoles, rétrécissement aortique) nécessitent évidemment un traitement préalable approprié. La démarche parfois difficile demande un dialogue avec le cardiologue et le chirurgien, la connaissance du risque d'une chirurgie dans un centre donné, et l'opinion du malade dûment informé des termes de la discussion qui le concerne.

. La classe ASA et l'âge sont des moyens d'évaluation trop grossiers pour évaluer le risque cardiaque spécifique individuel et pour donner des conseils préopératoires judicieux.

· De nombreux scores et index multifactoriels de risque permettent de chiffrer le risque cardiovasculaire pour un malade donné dans un centre donné.